Article publié en 1981 dans  la revue CONFLENT (Bulletin du Groupe de Recherches Historiques et Archéo-logiques du Conflent) sous la direction de Monsieur R. Lapassat.

Titre :
Tours et Châteaux
du Conflent.

Article :
Anny de POUS.

Photos :
Emmanuel PARDO.


En ligne sur ce site grâce à l'aimable autorisation de Madame J. Lapassat.

 


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Vue d'ensemble
Tour nord-ouest
Les défenses
Front nord
Ruines du logis
Plan du château
Les accès
Le corps de logis
Les décombres du donjon
La grosse tour
Le donjon

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SEIGNEURIE,  VICOMTÉ  ET  CHÂTEAU  D 'ÉVOL

Les plus anciennes mentions du lieu d'Évol, à notre connaissance, sont données par le Marca Hispanica :

957 - Donation au monastère de Ripoll, par le comte Seniofred : «... Et est ipse alodes in Valle Confluente, in suburbio Elenense, villa quae dicunt EVOLO vel in ejus fines, id est, casas, casalibus, curtis curtalibus ... » (jardins, vergers, terres cultes et incultes, vignes, forêts, garrigues, prés, pacages, moulins, etc.) dont les confronts sont d'un côté « Monte Tornado vel in villa Bardolio et in rivo Oleta », de l'autre côté « in Vilioles » (Jujols), du troisième côté « in ipsa Erola » et du quatrième, « in flumine Tedo » (Marca n° 92).

En 1011, le pape Serge IV confirme les propriétés de l'abbaye de Ripoll, parmi lesquelles :
« In valle Confluenti alodem qui dicitur Evol cum ipsas salices et pasturas » (Marca n° 165).

Ainsi, l'alleu d'Évol appartenait entièrement à Ripoll à cette époque, et un précepte du roi Lothaire le précise en 982 (Marca n° 131).
 
D'autre part Évol est cité comme lieu où d'autres abbayes ont quelques terres :

981 - Diplôme de Lothaire pour Sant Genis de Fontanes (Marca n° 129).
985 - Bulle de Jean XV pour Cuixà (Marca n° 135).
1011 - Bulle de Serge IV pour Cuixà (Marca n° 164).

Malheureusement, il y a ensuite une énorme lacune dans les archives d'Évol, entre 1011 et le règne du roi Pierre d'Aragon (1196-1213), où le Liber Feudorum (30) cite en note, sans en donner copie, une charte de ce souverain par laquelle celui-ci donne en fief à Raimon Roger, comte de Foix, les villas d'Évol et Estavar et les châteaux de So et de Cher Agut (Quérigut).

Ainsi, entre-temps, l'alleu d'Évol était devenu fief royal on ne sait comment.

Il faut attendre presque un siècle pour qu'il soit de nouveau question d'Évol. En 1260, en effet,Guillem de So reçoit l'investiture féodale des châteaux de Sahorra, Eus, Puigvalador et Évol, auxquels s'ajoutent en 1266, So et Queragut, des mains du roi Jacques I « Le Conquérant » (31).

Un peu plus tard, en 1276, lorsque Jacques I de Majorque succède à son père, il reçoit l'hommage féodal de Gaston, comte de Foix, vicomte de Béarn et de Castellbo, pour les châteaux de So et de Queragut, tout le pays de Danaza, les lieux de Stavar, Bajanda et Évol, plus divers droits et possessions en Capcir, Cerdagne et Barida provenant de l'ancienne vicomté de Castellbo (32).

À l'avènement du roi Sanche (1312), Gaston de Foix renouvelle son serment, ainsi que Bernard de So, seigneur d'Évol, pour le château de Salto et le vilar de Creu en Capcir (33), et Guillem de So, seigneur de Rocafort, pour divers droits et manses sis à Riutort (34).

(30) Fr. Miquel Rosell, Liber Feudorum Major, arxiu de la Corona de Aragon, Barcelona, 1947, t, II, p. 386, note 2.
(31) Archives Départementales des Pyr.-Or., série B. N° 190
(32> id B 16
(33> id B 16. — Il ne paraît pas s'agir ici du château de Sauto, près de Montlouis, mais d'une fortification inconnue, beaucoup plus proche d'Évol. En effet, le Liber Feudorum Major donne copie d'un serment féodal prêté au roi Anfos (1162-1196) par un certain Bernadus Bertrandi « Ego Bernadus Bertrandi, nominatim juro tibi Ildefonso, domino meo regi et comiti, castellum de Conat et rocham de Sexman et castellum de Salto et omnes fortedas que ibi sumt aut in antea erunt » (t. II, p. 163). Le château de Conat et la Roca de Salimans existent toujours et sont dans la Vallée de Nohèdes, il est donc probable que ce castell de Salto s'y trouvait également. (34) Arch. Dép. B 16.

Puis ce même Guillem de So rend hommage à Bernard de So pour la moitié des dîmes de Formiguera, Riutort, Caselles, Sposolla et Gualba, tous en Capcir, le tiers de celles de Paracolls et Molig, un fief à Campôme et Fornols, etc... (35).

On ne sait pas exactement à quelle date la seigneurie d'Évol fut érigée en vicomté ; certains auteurs disent qu'elle fut contemporaine de la création des vicomtés d'Illa et de Canet. Mais on trouve l'acte de concession du château et de la fortia de Llivia, et du baillage de la même ville, faite par Jacques II de Majorque en faveur de Joan de So, vicomte d'Évol (36). On sait aussi qu'en 1344, le vicomte d'Évol et, avec lui, tout le Conflent restèrent jusqu'au bout fidèles à la cause perdue de Jacques II.

Sous le règne de Jacques II, Bernard de So, fils de Guillem et de Gueralda, fit cession de sa seigneurie de Cortsavi, du château de la Bastida, dans les Aspres et des dîmes de Prats-de-Molló au roi de Majorque, en échange des châteaux de Calce et de Miliars (37). À la même époque, l'Infant Ferrand de Majorque vend à Jean de So, vicomte d'Évol, des droits de fief sur les châteaux de Miliars et de Calce ; celui-ci en fait prendre possession par son procureur Dalmace Dez Volo (38). C'est le même Joan qui fit construire, en 1340, le château de La Bastida d'Évol (ou d'Oleta) et avait reçu du roi de Majorque la juridiction militaire sur tous les châteaux du haut Conflent.

Il paya sa loyauté envers son souverain, et les faveurs qu'il avait reçues de lui, par l'exil et la confiscation de tous ses biens, en 1344, lors de l'effondrement du royaume de Majorque. Deux châtelains au moins, nommés par Pierre IV d'Aragon, se succèdent au château d'Évol, d'abord Dominique de Puig Molto qui est envoyé peu après à Puigvalador et remplacé par Benoit Tuiscle (39). Puis Pierre IV cède en fief honoré, à Bernat Guillem d'Entença, les châteaux et lieux d'Évol, Salto et Bastida d'Oleta (40).

Plus tard, Bernard de So, fils de Joan, réussit à récupérer la vicomté et vendit à Pons Dez Catllar, donzell, toute la châtellerie de LIivia qu'il tenait de son père.

Néanmoins, Joan de So avant de mourir avait lui-même repris son titre de Vicomte d'Évol et reçu de Pierre IV, Ayguatèbia, Jújols et le château de Celrà (41).

Bernard de So avait épousé Bianca de Aragall (42) et eut un fils, Arnald qui hérita de la vicomté (43).

Vers 1390, on trouve l'aveu féodal fait par Bernard de So, vicomte d'Évol, au Procureur royal pour la moitié des dîmes de Formiguera, Riutort, Esposolla et Galba et un manse à Anglars, en Capcir ; le tiers des dîmes de Paracolls et Molig et diverses possessions à Campôme et Fornols (44).
En somme, presque le même acte que Guillem de So avait fait, quelque 70 ans plus tôt.

(35) Il avait épousé Gueralda, sœur d'Arnald de Cortsavi, et eut un fils, Bernard qui fut seigneur de Cortsavi (id B 57 et 85)
(36) Arch. Dép. B 253.
(37 - 38) id B 14.
(39) id B 97.        (42) id B 367 et 145.
(40) id B 367.      (43) id B 126.
(41) id B 190.      (44) id B 153.

La reine Marie d'Aragon, lieutenant général du roi Marti son époux (1396-1410) retenu en Sicile, nomme le vicomte d'Évol capitaine général en Cerdagne et Conflent et lui ordonne de réparer et approvisionner les châteaux royaux (45). À la même époque, le procureur de Hug de Faye, camérier de La Grasse et seigneur de Prada, présente Arnald Garriga, bourgeois de Perpinyà, qu'il a nommé capitaine du château de Prada, à Bernard de So, vicomte d'Évol et capitaine général, pour la confirmation de cet office (46).

Par lettres du roi Marti, il est fait défense au vicomte d'Évol de faire reconnaissance de ses fiefs d'Évol, Estavar, Callastre, Bajanda et Nasovell, réclamée par Ysabel, comtesse de Foix, en qualité de vicomtesse de Castellbo. Ces lieux devant être tenus directement en fief pour le roi, d'après les anciens documents (47).

1412-1416 : ordre de mettre à exécution une sentence concernant la devèse dite Causma, tenue en fief pour le roi par Guillem de So, vicomte d'Évol, héritier de Noble Joana de So, épouse du donzell Ça Tor et dont les habitants de Puigvalador réclament la propriété (48).

Guillem de So, vicomte d'Évol, est encore cité jusqu'en 1422 au moins (49) ; il vend la haute justice, host et chevauchée du lieu d'Ayguatebia au Chapitre d'Urgell (50), il est seigneur de Fontrabiosa (51), il signe l'acte de Suppression du privilège exclusif de descharregador à Cotlliure. Désormais on peut débarquer en n'importe quel coin de la côte roussillonnaise (52).

1469 : Louis XI envahit les comtés de Roussillon et Cerdagne ; les trois vicomtés d'Évol, Illa et Canet sont confisquées et données à Cyr Monner (53) ; les lieux et châteaux de la Bastida d'Évol, d'Estavar et tous les autres revenus que le vicomte d'Évol possédait en Cerdagne et Conflent sont cédés au donzell Damien Dez Catllar (54).

Charles VIII ayant restitué les comtés à l'Aragon, Évol retrouva ses anciens seigneurs. Les fils de Francesch de So de Castro y de Pinos, vicomte d'Évol, obtiennent franchise des droits de lods pour l'acquisition des lieux d'Estavar et Bajanda (55).

1496 : réclamation par Philippe de Castro, vicomte d'Évol, au sujet d'une saisie de ses revenus de Berguja en Cerdagne (56).

1497 : Procès du vicomte d'Évol, seigneur de Berguja, contre les habitants de Bor, pour que ces derniers ne puissent exercer aucun droit de dépaissance ni autre sur le territoire de Berguja, qui appartient en franc alleu audit vicomte. Comme Berguja est détruit à cause de la guerre, ses habitants se sont établis ailleurs, mais l'usage du pacage doit leur être réservé (57).

1511 : Joan Dorcha, avocat, procureur des fils mineurs du vicomte d'Évol, demande une copie de l'acte de fondation de la vicomté d'Illa (58).

(45) id B 163.                     (52) id B 232.
(46) id B 161.                     (53) id B 292.
(47) id B 185.                     (54) id B 408.
(48) id B 202.                     (55) id B 357.
(49) id B 203, 214 et 215.  (56) id B 414.
(50) id B 219.                     (57) id B 415.
(51) id B 226                      (58) id B 418.



Château d'ÉVOL : vue d'ensemble.

1530 environ : Guillem Ramon Galcerand de Castro est vicomte d'Illa, Canet et Évol (59).

1638 : Procès contre Elisabeth Inès de Eril, veuve de G-G. de Gurrea Aragon Castro y Pinos, vicomtesse d'Évol, au sujet du service militaire dû pour les châteaux de la vicomté. Lettres de Philippe IV lui ordonnant de comparaître à Puigcerdà pour les services qu'elle doit pour le fief du château de Salto, à cause des menaces d'invasion du Roussillon. La vicomtesse allègue que les fiefs qu'elle tient sont honorés et tenus à aucun service militaire et que le château de Salto est complètement ruiné et ne peut assurer aucune défense. Elle est néanmoins condamnée à fournir deux hommes avec armes, équipement et chevaux (60).

1653 : l'invasion prévue a eu lieu, Vilafranca assiégée a capitulé et les confiscations reprennent de plus belle. Les biens du vicomte d'Évol sont attribués à don Joseph Margarit, marquis d'Agullar (61).

(59) id B 368.
(60) id B 389.
(61) id B 394.


Fig. 1 — Château d'Évol : tour nord-ouest et remparts.

CHÂTEAU D'ÉVOL

Le territoire d'Évol se compose uniquement d'un ravin long de 10 km environ, qu'un petit torrent  appelé Rivière d'Évol a creusé peu à peu, en étroit couloir entre le Mont Coronat (2 147 m) et le Puig d'Escoto (2293 m). Ici, pas le moindre riveral ; des pentes bien près de la verticale s'élèvent dès le ruisseau où aucun gué n'est possible. Avec une patiente ténacité, les paysans ont soutenu la terre arable par des murs de pierre sèche, formant d'innombrables terrasses en escalier jusque très haut sur les parois du ravin. Elles sont si étroites que cela fait finalement très peu de surface réservée aux cultures. Plus haut commencent d'immenses pâturages où l'on dénombre encore une centaine de bergeries, pour la plupart en ruines.

Un très ancien chemin se faufile difficilement de flanc, passant d'une rive à l'autre par cinq ou six ponts de pierre. Il vient de Nohèdes par le col de Ports, traverse les deux hameaux de Thuir et d'Évol avant d'aboutir, 3 km plus bas, à Oleta.

Un contrefort issu du Mont Coronat tombe entre les deux hameaux après avoir formé un dernier ressaut ; c'est là qu'est le château.

Celui-ci présente le plan d'un quadrilatère flanqué aux angles de 4 tours rondes. Cette caractéristique prouve déjà, sans l'aide des documents, qu'il fut construit après la guerre albigeoise, probablement vers 1260, tel qu'on peut le voir aujourd'hui. Il peut également avoir succédé à une petite fortification antérieure, non considérée comme castrum ; le cas est fréquent.

L'habitation du seigneur occupe l'aile occidentale ; écurie et communs formaient l'aile orientale aujourd'hui presque entièrement ruinée, autour d'une cour intérieure. La porte principale s'ouvrait au milieu du front sud (disparu) comme en témoigne un vestige de la rampe d'accès.

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Les défenses du château

Lorsqu'on pénètre dans le château par cette entrée, on a sur sa droite le rempart oriental en place, de bonne épaisseur (2 m), percé d'une poterne (fig. 2). Sur une bonne moitié de la longueur du rempart, des arrachements de voûte signalent l'existence d'une longue salle voûtée en plein-cintre, probablement à usage d'écurie, dont il ne reste plus que l'extrémité nord. Deux ouvertures obliques, dirigées vers le haut, permettaient d'aérer la salle. Au-dessus, la petite porte ouvrant sur l'intérieur de la  tour d'angle N.-E. (fig. 2). Cette porte étant aujourd'hui inaccessible, on ne sait si le bas de la tour servait de citerne, comme sa voisine de l'angle N.-O.

En face de soi, on a le haut rempart nord percé d'une poterne (fig. 2). Ce rempart protège la partie la plus exposée, du côté où le ressaut occupé par le château se rattache à la montagne par une pente douce. C'est, naturellement là qu'on trouve les murs les plus épais (2,20 m). Au milieu du rempart, une grande brèche et un énorme tas de décombres signalent l'emplacement du donjon, complètement disparu.


Fig. 2. — Chateau d'Évol : tour ruinée, au-dessus de l'écurie.
Front nord, poterne et décombres à l'emplacement du donjon
À droite : le rempart oriental avec poterne.




Fig. 3. — Château d'Évol : les ruines du logis seigneurial.


Au sud-est, le rempart, plus léger, a entièrement disparu, sauf un pan de courtine et quelques arrachements prouvent seuls que la tour S.-O. a existé. Il ne semble pas, du reste, que cette disparition soit le fait d'une destruction volontaire, mais celui de l'érosion. En effet, alors que la partie nord du château repose en grande partie sur la roche, il n'en va pas de même pour la moitié ou le quart sud-est basé sur une terre friable et en forte déclivité. On peut constater que le ravinement a emporté jusqu'aux soubassements des constructions disparues.

À gauche, les portes et fenêtres du logement seigneurial, très spacieux, composé de 3 salles au rez-de-chaussée et autant à l'étage (fig. 3).

Le seul matériau local est le schiste, roche que la pluie et le gel délitent à qui mieux mieux et dont les éclats jonchent le sol. Le château d'Évol est entièrement construit en plaques de schiste, y compris les encadrements des ouvertures où les claveaux sont remplacés par des plaques posées de chant (fig. 4).

Extérieurement, on trouve du côté nord un embryon de fossé, entaillé dans l'arête du contrefort, qui ne constituait pas une défense bien sérieuse. Extérieurement, du côté sud-ouest, un terre-plein longe le rempart, formant une terrasse soutenue par un mur en pierre sèche. Une poterne fait communiquer celle-ci avec la grande salle ; une seconde poterne, très étroite, s'ouvre dans un passage ménagé entre la terrasse et la tour N.-O., elle donne accès à la petite salle d'angle.

Ce rempart sud-ouest est le seul qui présente une série d'archères à longue fente du type XIIIe siècle, cinq pour la grande salle, deux pour la petite salle sud-ouest, plus deux autres côté midi dans cette même salle. Très régulièrement espacées, tous les 2,50 m, elles se poursuivent au sud jusqu'à la rampe d'accès et certaines d'entre elles sont curieusement noyées dans des maçonneries ultérieures.

Le plan ci-dessous est dû à M. et Mme Ristori qui, à deux reprises, en 1969 et 70, ont campé sur place durant plus d'une semaine, et ont eu tout le temps d'étudier les ruines du château. Ce sont eux qui ont découvert l'existence d'un grand donjon circulaire placé presque au milieu du front nord, et, dans le couloir qui longe le rempart nord-ouest, d'une gaine qui pourrait être le puits à neige du château et, tout à côté, les traces d'un escalier.

 
Les accès

De nombreuses poternes donnaient accès au château : deux sur la terrasse sud-ouest, une sur le front nord-est et même une dans le rempart nord-ouest au pied du donjon (voir plus loin). Cependant on peut penser que certaines d'entre elles, et notamment celles de la terrasse, ont été pratiquées après coup.

En fait, l'accès normal était une rampe sinueuse qui montait sur le flanc sud-est et qui reste marquée par des débris de maçonnerie. On voit, en particulier, un gros massif cubique, à mi-pente, dont on ne comprend pas bien l'utilité.

Passant au pied de la tour d'angle, la rampe était battue par les archères de l'angle sud et pénétrait dans la cour intérieure par une porte dont un des côtés est encore visible dans le rempart.

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Le corps du logis

Nous avons dit que le rez-de-chaussée se composait de trois salles, la plus grande étant au milieu. La disposition des cloisons, qui gênent le service des archères voisines, semble indiquer une origine postérieure. Particulièrement, la cloison sud-est, peu épaisse, doit être d'une époque tardive. Cet étage n'était pas sous voûte, des arcs soutenaient le plancher de l'étage supérieur. On peut encore en voir les arrachements ou les départs tronqués, trois dans la grande salle, un dans la petite salle sud. Ils devaient contribuer à donner au logis une certaine majesté. Les salles ouvrent largement sur la cour intérieure.

La grande salle possède donc une poterne et 5 archères vers l'extérieur, une porte et 3 fenêtres sur la cour, une petite et deux autres plus grandes qui ont pu comporter des bancs latéraux. Deux ouvertures donnent également sur la terrasse sud-ouest, elles paraissent avoir été percées à l'emplacement de deux archères.

La petite salle sud-est présente une cheminée dont le manteau a disparu, une porte sur la cour et une autre vers la grande salle et 4 archères au moins, car une partie du mur méridional n'existe plus, probablement emporté par l'effondrement de la tour d'angle, sapée par l'érosion.

Dans la salle nord-ouest s'ouvre une sorte de gaine, qui devait être, en fait, un puits à neige. Une cheminée débouche sur une petite terrasse, tout contre le gros rempart. Des affleurements laissent supposer la présence d'un escalier circulaire, noyé dans les décombres, qui permettait l'accès à cette terrasse.

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Fig. 4. — Château d'Évol : porte d'accès à la citerne nord-ouest.
À gauche : les ruines du logis seigneurial.
À droite : les décombres du donjon.


La grosse tour

La grosse tour ouest est particulièrement intéressante du fait de son bon état de conservation. L'accès le plus commode est la brèche mentionnée plus haut, qui traverse sa base talutée. De l'intérieur, on constate l'existence d'une voûte en coupole munie d'une trappe rectangulaire. Des traces subsistant dans les murs montrent également qu'il y avait sous la voûte deux étages de planchers.

Il est probable que cette tour, aveugle sur la majeure partie de sa hauteur, a servi de citerne. On ne peut, cependant, trouver sur les murs aucune trace de l'enduit rose habituel en pareil cas. Les fouilles anarchiques pratiquées par des intrus ne permettent pas de juger avec certitude de la composition réelle du sol initial.

Si on pénètre dans la tour par la petite porte placée un peu plus haut que l'étage des logements (fig. 4), on accède par un couloir étroit, percé dans la maçonnerie, à la trappe carrée dans laquelle se déversait une goulotte qui, traversant le mur, devait apporter l'eau des toitures. Au dessus, une deuxième voûte supporte le sommet de la tour.


Le donjon

Rien ne manifeste sa présence à première vue. Toutefois, un examen attentif de la brèche dans le rempart nord-ouest fait apparaître, parmi les décombres, un débris de mur légèrement circulaire, de 2,50 m d'épaisseur environ, adossé au pan nord du rempart. On peut également discerner sur le sol quelques affleurements qui dénotent l'existence d'une très grosse tour circulaire, qui ne pouvait être que le donjon. Très logiquement situé à l'endroit le plus exposé, il avait un diamètre d'environ 9,50 m, autant qu'on puisse en juger, avec des murs de 2,50 m. Sa destruction complète laisse supposer qu'elle a été conduite volontairement et de façon systématique.

Une poterne étroite existait entre le donjon et la partie ouest du rempart, comme le montre la présence d'une plaque de schiste, de celles qui constituent les cintres de toutes les ouvertures du château. On constate que les deux pans du rempart, de part et d'autre du donjon, ne sont pas alignés. Le pan nord, simplement adossé au donjon avec lequel il ne faisait pas corps, a pu être construit postérieurement. Il n'est pas impossible qu'une première construction ait comporté le donjon et la partie sud-ouest du château, un agrandissement ayant été pratiqué ensuite pour constituer la cour intérieure. Il serait pourtant bien hasardeux, malgré un examen approfondi, d'avancer des hypothèses précises sur les stades successifs de la construction.

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